Ce tableau, intitulé "Le vase des philosophes" mesure 121cm en hauteur et 125 cm en largeur, il est réalisé à la peinture à l'huile sur un support de bois préparé à la colle de peaux. La matière seule étant le véhicule du feu naturel et secret, immortel agent de toutes nos réalisations, reste pour nous l'unique et véritable athanor αθανατος, qui se renouvelle et ne meurt jamais.
Ici la matière ou le véhicule est symbolisé par le, ou la Cocatrix, animal fabuleux et imaginaire, qui possède selon la légende une tête de coq, des ailes de chauve-souris et un corps de serpent ou de coq. A moins qu'il ne s'agisse du Basilic, βασιλίσκον / basilískon, parce que le fils qui devient roi est le basileus βασιλεύς de l'œuvre ou dauphin. Le basilic est censé être né, comme la plupart des serpents mentionnés par la mythologie grecque, du sang qui coula de la tête tranchée de la Gorgone Méduse alors que Persée volait en la tenant dans sa main. Les ailes de "dragon" se composent de sept dentelures qui poussent lentement à travers la totalité des trois mondes: L'extérieur, le paradis et le céleste, car il peut rendre volatil tout ce qui est fixe. Le fer, le plomb et le poison ne peuvent rien contre lui car d'un seul regard, il fait tomber hommes et bêtes raides morts ; Aussitôt qu'on lui montre son visage dans un miroir, il meurt, mais un autre basilic naît sept ans après. Cependant, il pouvait aussi tuer par son souffle tant son haleine est répugnante, ou même par le contact de sa peau, puisqu'il sécrète du venin.
Voila qui nous porte à penser que les vapeurs nauséabondes produites lors de la première sublimation dont nous parlent les philosophes seraient à l'origine de cette comparaison. Le serpent venimeux fait aussi référence au feu nécessaire à l’ouverture : C’est la clé de l’œuvre. Peut être aussi à rapprocher du Phoenix (φοῖνιξ) qui est un oiseau légendaire, doué d'une grande longévité et caractérisé par son pouvoir de renaître après s'être consumé dans les flammes. Il symbolise ainsi les cycles de mort, de résurrection. Le phénix se reproduit lui-même : quand il sentait sa fin venir, il construisait un nid de branches aromatiques et d'encens, y mettait le feu et se consumait dans les flammes. Des cendres de ce bûcher surgissait le nouveau phénix. « Quelques-uns forgent l'origine et naissance du basilic en ceste sorte, à savoir que quand un coq commence à devenir fort vieil, ce qui arrive au septième ou au neuvième ou au plus tard au quatorzième de son âge, il pond un œuf aux plus chauds mois de l'été, qui s'est formé de l'excrément pourri de sa semence ou d'un ord et bourbeux amas d'humeurs, et de cet œuf plusieurs pensent que le basilic naist »
Dans le tableau présenté ici il sert de véhicule aux deux personnages qui ne sont autre que le Soufre et le Mercure dont les attributs sont Lune et Soleil et qui représentent l’union des contraires : le fixe et le volatil. Mais le sens de la marche de cet animal mythique surmonté des deux principes est à l'inverse d'une progression. En effet ils se déplacent de droite à gauche ce qui semble indiquer une régression ou un retour vers l'origine, en grec (ἀρχή) qui signifie commencement principe, source, origine. Cette rotation inverse du temps est a rapprocher de l'arcane du tarot, la Roue de Fortune qui annonce l'inéluctable. Cette roue est le dixième des arcanes majeurs. Bien évidement, le Tarot est lui-même une « rota », une roue! En alchimie la roue est l'hiéroglyphe du temps nécessaire à la coction de la matière philosophale et au degré de chaleur requis dans l'œuvre, et en particulier à la fin de la grande coction. On l'appelle feu de roue. Il assure la rotation régulière des éléments. Cette action s'inscrit hors du temps, la simultanéité s'inscrit dans une égalité du passé du futur et du présent. Quand les éléments que l'on croyait acquis se révèlent incertains il est primordial de revenir à l'origine et de remettre chaque étape de l'œuvre dans son ordre. Le nombre 10 a le nombre 1 comme nombre nucléaire (10 = 1 + 0 = 1). Le nombre 10 ouvre et débute sur un nouveau cycle d’évolution. Les nombres 7 et 10 sont proches, étroitement liés l’un à l’autre.Tous deux indiquent la fin d’un processus et le commencement d’un autre. 10 est un nombre symbolisant une totalité en mouvement. Dom Pernety décrit douze opérations : Calcination, congélation, fixation, dissolution, digestion, distillation, sublimation, séparation, incération, fermentation, multiplication, projection . Mais Bernard de Trévise n'en admet qu'une seule : "Combien que les philosophe divisent le magistère en plusieurs opérations selon le degré des formes et de leurs diversité, toute fois il n'y en a qu'une en la formation de l'œuf". Ce qui explique la présence de cet œuf dans le bas à droite du tableau, œuf d'ailleurs couvé par le serpent ou par le Basilic, le Basilic étant vu comme un reptile terrestre.
Il est l'œuf philosophique, le vaisseau de la cuisson pour réaliser l'union du soufre et du mercure. Ce vaisseau de cuisson se nomme aussi athanor. L'opération par laquelle se nourrit l'embryon hermétique est indiquée par le tournoiement du dragon. Cette opération qui résume la sublimation philosophique, doit être réitérée trois fois. En haut à droite du tableau, là ou prédomine la couleur bleu violet c'est pour signaler à l'artiste la conjonction des principes. Cette opération nécessite le concours des vents. (Notus, Vulturnus, Zephyréus). Le pouvoir végétatif indiqué par les fructifications du vase symbolique est donc expressément confirmé par le dragon mythique, lequel se dédouble en mercure commun au premier dissolvant. Ce mercure primitif, joint à quelque corps fixe le rend volatil, vivant, végétatif et fructifiant. Il change alors de nom et devient le mercure des sages, l'humide radical métallique, le sel céleste ou sel fleuri : "In mercurio est quicquid quoe runt sapientes" Tout ce que cherche les sages est dans le mercure. Ce vase symbolique est une clé majeure de l'œuvre car comme nous dit Philalèthe, Il sera impossible d'obtenir le moindre succès dans l'œuvre, si l'on a pas une connaissance parfaite de ce qui est le vase des philosophes, ni de quelle manière il faut le fabriquer. Tout cela doit se faire en un seul vaisseau de verre, de forme semblable à un œuf, et bien clos du sceau d'Hermès. (Vase de nature, au sein du quel s'évanouissent avant de renaître, les natures métalliques.)
J.B R+C